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Actuellement, les produits de phytothérapie sont en vente dans
les grandes surfaces. De ce fait tout pourrait sembler rose dans
l’industrie de la phytothérapie. Cependant, tout comme les médicaments
allopathiques, les remèdes plus fortement dosés ne sont disponibles
que chez le médecin ou en pharmacie. Malheureusement, les professionnels
qualifiés dans ce domaine se font rares. En outre, les remèdes naturels
ne sont presque jamais remboursés par les assurances, et les médecins,
en règle générale, connaissent mal leur utilisation. La médecine
établie n’accorde qu’une place secondaire à la prévention et à la
guérison lente, elle leur préfère des traitements curatifs aux effets
immédiatement visibles. Pourtant; les médicaments à base de plantes
sont certes plus longs à agir, mais ils entraînent généralement
bien moins d’effets secondaires que leurs équivalents chimiques.
Or il y a urgence, car pour la phytothérapie actuelle, il ne s’agit
plus de cueillir des herbes sauvages en bordure des champs et des
prés. Aujourd’hui, les traitements phytothérapiques sont soumis
à des exigences de sécurité qui n’ont rien à envier aux médicaments
de synthèse. L’usage de désherbants chimiques est proscrit, et la
masse récoltée ne peut contenir plus de 2 % d’autres plantes, faute
de quoi le matériau n’aura aucune valeur. Les spécialistes de l’industrie
pharmaceutique veulent des plantes à la croissance la plus régulière
possible, qui arrivent toutes à maturité en même temps, peuvant
être récoltées mécaniquement et aillant une teneur élevée en principes
actifs.
Contrairement à certaines espèces cultivées, comme le blé ou le
seigle, dont les rendements ont été optimisés pendant des décennies,
il n’existe pas encore de variétés améliorées d’espèces sauvages.
la culture de nombreuses plantes n’en est encore qu’au stade de
l’expérimentation. Les plantes médicinales n’aprécient pas les techniques
de culture forcée. Au lieu de pousser en rangées bien ordonnées,
des espèces comme le pissenlit, le sureau ou l’ortie ont tendance
à se rebiffer. C’est notamment le cas de l’ortie, que sa vitalité
proverbiale semble rendre rétive à toute forme de discipline : si
elle est trop souvent récoltée ou manipulée, elle devient moins
résistante et finit par céder la place à d’autres adventices. Les
plantes médicinales poussent dans des biotopes précis, et il n’est
guère possible de reproduire leur terrain de prédilection à grande
échelle.
Voilà pourquoi la plupart des herbes médicinales utilisées en
Europe sont récoltées dans la nature. C’est par exemple le cas de
l’aubépine, dont les feuilles et les fleurs sont utilisées contre
les troubles cardiaques légers. Ses épines résistantes et le nombre
important de ses sous-espèces la rendent difficile à récolter. De
plus, les protecteurs de la nature voient d’un œil inquiet les cueillettes
sauvages, car de nombreuses plantes médicinales sont déjà en voie
de raréfaction, voire menacées d’extinction.
Une fois la récolte achevée, il reste d’autres obstacles à franchir
avant que ces plantes médicinales ne soient déclarés propres à la
fabrication de médicaments. Entre autres, il faut exclure avec certitude
tout risque de confusion avec des espèces voisines. Face à la loi,
tous les médicaments sont égaux. Les échantillons prélevés partent
donc pour le laboratoire, qui procède à leur identification, leur
analyse et à un dosage de leurs nombreux principes actifs.
Un composé de synthèse a-t-il les mêmes qualités qu’une substance
organique d’origine naturelle ? De nombreux pharmaciens et médecins
sont persuadés que l’efficacité des plantes médicinales employées
depuis des siècles provient précisément de leur complexité, du mélange
organique de substances résultant de la croissance naturelle – même
si seule une infime partie de ces substances actives est vraiment
bien connue. C’est justement cette caractéristique qui représente
un handicap pour les produits de phytothérapie, soumis aux règles
du marché moderne. En effet, les plantes médicinales et leurs extraits
ne peuvent être brevetés ; et sans brevet, les investissements souvent
considérables nécessaires à la recherche ne sont pas rentables.
Voilà pourquoi l’intérêt croissant des laboratoires pharmaceutiques
ne porte que rarement sur la plante entière et sur la totalité de
ses effets, car il est bien plus facile de fabriquer des médicaments
à base de monosubstances isolées chimiquement et brevetables.
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